Attention divulgâcheurs – Si vous n'avez pas vu le dernier épisode de la deuxième saison de District 31, ne lisez pas la suite de cet article.
Un texte de Pascale Fontaine et Cécile Gladel
Contrairement au mystère qui entourait le sort de Nadine Legrand l’an dernier, ce dernier épisode répond à plusieurs questions qui pouvaient tenailler les amateurs de la quotidienne policière. On connaît enfin les circonstances entourant la mort du personnage de Magalie Lépine-Blondeau, au volant de sa moto. Pour son acolyte Patrick Bissonnette (Vincent-Guillaume Otis), il a enfin le loisir de confronter l’assassin de son amoureuse, le redoutable chef des Sixers Christian Phaneuf (Emmanuel Auger).
Plusieurs ficelles ne sont pas encore tout à fait attachées, notamment la mort de Jeff Morin (Luc Picard). « Personne ne l’a vu mort. Je me demande si ce n’est pas le frère de Jeff qu’on a trouvé dans le bois. Ce sont des jumeaux. Je ne suis pas sûre que c’est Jeff sur les photos », laisse entendre Amélie Bérubé (Charlotte Legault) à Laurent Cloutier (Patrick Labbé).
Et enfin, coup de théâtre final digne d’un western avec le trio des services secrets formé du commandant Daniel Chiasson (Gildor Roy), Maxime Vézeau (Vincent Leclerc) et de Laurent Cloutier.
Emmanuel Auger dans le rôle de Christian Phaneuf dans le dernier épisode de la deuxième saison Photo : Aetios productions
Après un tel renversement, Radio-Canada a décidé de cuisiner le scénariste derrière la série. Entrevue.
Radio-Canada : L’an dernier, avec la possible mort de Nadine Legrand, vous aviez laissé les téléspectateurs avec un gros point d’interrogation. Cette année, vous les laissez sur quelque chose de beaucoup plus fermé, notamment avec le commandant Chiasson qui tue Phaneuf. Nouvelle tactique?
Luc Dionne : C’était surtout par souci de ne pas répéter ce qu’on avait fait l’an dernier. [Quand on se pose la question] « Est-il mort? Est-elle morte? », on l’a fait une fois. Ça dépend aussi où l’histoire nous amène et je voulais que ça soit très surprenant. Pour moi, une finale, c’est quelque chose qui nous laisse sur une émotion, un questionnement qui dure un certain temps ou ça peut être aussi bête que « voilà, c’est comme ça que ça se termine. » C’est une surprise parce que c’est quelque chose qu’on n’avait pas prévu.
Au contraire, on s’attendait à ce que Christian Phaneuf soit libéré par des complices.
L.D. : Ç’a été réfléchi justement pour donner cette impression, mais c’est mon style d'écriture (rires). J’aime donner de fausses pistes pour créer la surprise!
Aviez-vous d’autres fins possibles?
Non, on s’est décidé très tôt sur cette fin. À partir du moment qu’on discute d’une telle fin et qu’on a la surprise, on se dit que tout le monde sera aussi surpris. Comme c’est une idée surprenante, on n’a pas essayé de trouver autre chose.
L’histoire nous amenait là aussi, notamment avec la courbe dramatique prise par le commandant Chiasson ces trois dernières semaines. Il est marabout, se blâme pour la mort de Nadine, il commence à lever le coude… Il y a cette détresse psychologique. Mais, en ayant appartenu aux services secrets – on ne peut pas appeler ça le SCRS –, il a le caractère, la capacité de se relever. Il prend ensuite la décision que ça finisse ainsi en voyant la situation dégénérer.
Guillaume-Vincent Otis dans le rôle de Patrick Bissonnette Photo : Aetios productions
Est-ce que le commandant Chiasson pensait que Phaneuf allait lui échapper pour le tuer ainsi?
Je ne pense pas. [Cette opération à la toute fin], ce n’est pas une décision qu’il peut prendre seul. Il faut avoir l’accord de quelqu’un de très haut placé pour poser ce geste, sinon c’est un homicide. J’ai l’impression qu’ils sont convaincus que même à l’intérieur du service, ils seront incapables de contrôler ce gars-là. Il a trop de pouvoir à cause des grandes opérations d’écoute électronique. Il est devenu un danger public qui menace l’ordre au pays. Ce n’est pas pour rien qu’on décide de lui coller des accusations de terrorisme.
Maxime Vézeau est-il le Jack Bauer québécois?
Je ne suis pas en mesure de vous répondre parce que je n’ai pas écouté la série 24 heures chrono! Je ne suis pas quelqu’un qui écoute beaucoup de fiction. Ça m’intéresse parce que j’en écris, mais dans mes temps libres, je préfère de loin les documentaires qui me nourrissent beaucoup plus que la fiction. Sinon, je referais ce qui a déjà été fait et ça ne serait qu’une pâle copie.
Nous avons récemment interviewé Charlotte Legault ainsi que Emmanuel Auger. Leurs rôles ont beaucoup évolué alors qu’on ne devait pas les voir aussi longtemps à l’écran. Comment travaillez-vous cette évolution? Les comédiens vous inspirent-ils?
C’est un rapport mutuel entre un auteur et le comédien, surtout dans une quotidienne. La série était en ondes et on complétait encore l’écriture. Les personnages récurrents peuvent toujours nous influencer dans la façon dont on écrit l'histoire. La première fois qu’un personnage met le pied dans une série, on se demande toujours pourquoi il est là, à ce moment-là. À partir de là, on bâtit le personnage. [Avec District 31], la communication entre le comédien et moi se fait sur une base quotidienne. Ils me nourrissent et je peux m’adapter à ce qu’ils me donnent. Comme tout n’est pas écrit avant, ça permet de se réajuster.
Phaneuf Photo : Radio-Canada/capture d'écran
Vous faites appel à la voix de l’animateur Alain Gravel au début du générique afin d’indiquer que Christian Phaneuf a bel et bien été descendu par les siens, selon les enquêteurs. D’où vient cette idée?
L. D. : Alain Gravel a creusé pendant des années ce genre de nouvelles pour trouver la vérité, bien avant qu’il ne devienne animateur [de Gravel le matin]. C’était son boulot et c’est un grand journaliste qui était à la tête de l’émission Enquête. Et comme il a une voix radio-canadienne et que je l’aime beaucoup, alors oui [on a fait appel à lui]. C’est toujours plaisant d’entendre des gens qui ont une grande crédibilité participer à nos émissions.
Qu’en est-il de la chanson The Way de Fastball qui accompagne la fin de Christian Phaneuf? Ça change le ton.
C’est un peu mon choix, cet espèce de clin d’oeil à la Tarantino. On est un peu dans le même genre de fin, alors je me disais : bon, on découvre les trois cagoulards. Chacun enlève sa cagoule et je vais mettre cette chanson là-dessus. Alors je l’ai écrit dans le scénario et je trouve que ça marche super bien. Ce n’est pas nécessairement au niveau des paroles par rapport ni au niveau de l’histoire, c’est plus l’ambiance. Et on a fait libérer les droits.
Va-t-on voir de nouveaux personnages dans la nouvelle saison?
L.D. : Oui, il y en a certains qui devront être remplacés, mais l’an prochain, c’est l’an prochain!
Les propos rapportés ont été édités pour des besoins de concision.
Pascale Montpetit, Emmanuel Auger, Charlotte Legault et Jeff Boudreault Photo : Radio-Canada / Olivier Lalande
Ils incarnent Miss BBQ, Sonia Blanchard, Phaneuf et Jean Brière. Ce soir, on les verra dans le dernier épisode de la deuxième saison de District 31. Charlotte Legault, Pascale Montpetit, Emmanuel Auger et Jeff Boudreault discutent avec Isabelle Craig des réactions inattendues du public envers leurs personnages dans ce qui est devenu un véritable phénomène télévisuel. Michel Auger, l'ancien journaliste qui a connu le même destin que Jean Brière, intervient.
« Ça fait 20 ans que je fais de la télé, et je n’ai jamais participé à un phénomène télévisuel comme celui-là, fait remarquer Jeff Boudreault, alias Jean Brière. Je m’en fais parler 10, 12 fois par jour, et on est n’est même pas dans le noyau dur, nous autres. On est en périphérie des personnages principaux. C’est vraiment un privilège de jouer là-dedans. »
Luc Dionne, maître des clés
Emmanuel Auger et Pascale Montpetit soulignent le travail du scénariste Luc Dionne, qui tient les commandes du récit de la série.
« C’est le fun, jouer des méchants, avoue Emmanuel Auger, alias Phaneuf. Les gens font la différence. Ils me disent souvent : "On te voit dans autre chose, on le sait que t’es sympathique, mais on t’haït!" Et puis, c’est le fun, se faire haïr, honnêtement! […] Quand un auteur te dit : "J’ai écrit [ce rôle] pour toi, en pensant à toi", c’est quelque chose de particulier. Luc Dionne et moi, on a travaillé [le personnage] ensemble, autant physiquement que vocalement. C’est Luc qui m’a demandé de baisser ma voix. Il y a un mélange de René Angélil et d’Éric Lapointe [dans Phaneuf]. »
Extrait du 19 avril
« Luc Dionne, c’est une valeur sûre, ajoute Pascale Montpetit. Des esprits simples comme vous et moi allons voir un aspect des choses. Lui a une vision cubiste de la réalité. Il voit une fenêtre; il ouvre la fenêtre. Il voit un plancher, il y a un double fond. Un train en cache un autre. Il joue avec les apparences. Je pense que ce qui le fascine, c’est le pouvoir. »
Surprise d’être reconnue
« Ça a pris du temps avant que les gens me reconnaissent, note pour sa part Charlotte Legault, alias Miss BBQ. Je dirais que ça fait peut-être deux, trois semaines que, quand je vais dans un restaurant ou un café, on m’arrête pour me demander : "Est-ce que c’est vous?" Je n’étais pas consciente du succès du rôle jusqu’à ce que m’on invite à Tout le monde en parle. »
Le dernier épisode de la deuxième saison de District 31 sera diffusé ce soir à 19 h sur ICI Radio-Canada Télé.
Pour une deuxième année d’affilée, un coup de feu est venu clore la saison de District 31. Mais cette fois, contrairement au printemps dernier, on sait qui est mort et qui a tiré. Ces informations devraient permettre aux nombreux fidèles du drame policier de souffler davantage cet été.
En avril 2017, la première saison du populaire feuilleton de Radio-Canada s’était terminée avec Kevin (Alexandre Goyette) qui menaçait Nadine (Magalie Lépine-Blondeau) d’un fusil. La décharge qui s’était fait entendre juste avant l’arrivée du générique avait angoissé les téléspectateurs jusqu’en septembre.
Avec l’excitante conclusion d’hier soir, c’est plutôt la chanson The Way du groupe Fastball qu’on risque d’avoir en tête au cours des prochains mois. « C’était mon clin d’œil à Tarantino », indique l’auteur Luc Dionne en entrevue au Journal.
Un super trio
Composé d’une bonne demi-douzaine de rebondissements, ce 240e épisode a réglé plusieurs dossiers, dont celui de Christian Phaneuf (Emmanuel Auger). Alors qu’on croyait qu’il allait s’en sortir, sauvé in extremis par trois fidèles disciples armés, coup de théâtre ! L’arme se retourne contre lui et sous les cagoules des assaillants, se cachent le commandant Chiasson (Gildor Roy), Laurent Cloutier (Patrick Labbé) et Maxime Vézeau (Vincent Leclerc).
Photo courtoisie
Avons-nous été les seuls à applaudir devant notre écran en découvrant l’identité du trio ? Et quand Alain Gravel a annoncé qu’au terme de l’enquête, les policiers avaient conclu que Phaneuf avait été victime d’un règlement de compte au sein des Sixers, il était difficile de réprimer un sourire.
Luc Dionne reconnaît qu’il aurait pu laisser le public en plan en repoussant le dévoilement des visages des agresseurs, mais son désir de brasser les cartes était plus fort. « Je n’avais pas envie de faire une fin comme l’an dernier. Je voulais éviter d’être redondant. La surprise ne vient pas du même endroit. Et j’aime ça. »
Photo courtoisie
Autres questions
En vacances à l’extérieur du Québec, Luc Dionne commencera à écrire la troisième saison de District 31 en juin. Parmi les intrigues qu’il devra résoudre, citons celle du décès de Jeff Morin (Luc Picard). L’énigmatique lieutenant est-il vraiment mort ? Selon Amélie/Nadia (Charlotte Legault), le corps retrouvé en début de semaine appartient au frère du policier. Et pour dire franchement, nous partageons cette théorie. Nous avons confiance en Miss BBQ.
L’affaire du commandant Tremblay (Jean-François Beaupré), accusé de négligence criminelle, est également loin d’être classée. Le sera-t-elle quand l’action reprendre quatre mois plus tard ?
Autres questions : Est-ce que Chiasson se magasine un problème de boisson ? Combien de temps dureront les vacances de Patrick ? Quelles seront les séquelles de Brière (Jeff Boudreault) ? Reverrons-nous Pascale Bussières ?
Photo courtoisie
Au-delà des espérances
À travers toutes ces interrogations, une chose demeure : la popularité de District 31. D’après les données de Numéris, l’épisode de mardi a rallié 1 453 000 téléspectateurs, son meilleur résultat en direct. « C’est au-delà des espérances, déclare Luc Dionne. Le buzz est encore plus grand que celui d’Omertà. Tout le monde m’en parle. »
L’auteur dit vouloir améliorer quelques trucs en vue du retour en ondes. « Je suis convaincu que je peux être encore plus performant », note le bourreau de travail.
Wow! La dernière de la deuxième saison de District 31, jeudi, va rester dans les annales de la télé comme une des grandes finales du petit écran. Quel punch (que je n’avais pas vu venir pantoute), et quelle toune! Finir sur The Way de Fastball, un succès des années 90, c’était un charmant clin d’œil aux films de Quentin Tarantino (Pulp Fiction, Reservoir Dogs), dans lesquels les pires bains de sang sont toujours accompagnés de tounes pop.
VOTRE BEAU PROGRAMME
Jeudi à l’émission de Paul Arcand, des auditeurs appelaient pour expliquer pourquoi ils étaient si accros à District 31. Un auditeur racontait qu’il n’avait plus envie de faire des heures supplémentaires parce qu’il préférait être devant son écran à 19 h. Une dame racontait qu’en voyage en Asie, elle s’était procuré un bidule électronique pour pouvoir visionner D-31 en dehors du territoire canadien.
Mais pourquoi sommes-nous tous envoûtés par cette série policière? D’après moi, ça tient en un mot: humain.
D’un côté, on voit ces flics côtoyer au quotidien la misère humaine dans ce qu’elle a de plus laid, de plus triste, mais aussi de plus noble. De l’autre, on voit dans chaque épisode la profonde humanité de ces policiers.
Dans le dernier épisode, mon moment préféré arrive quand le commandant Chiasson (fabuleux Gildor Roy) confie au sergent détective Patrick Bissonnette (Vincent Guillaume-Otis) qu’il se sent coupable de ne pas avoir pu protéger Nadine. Ils se prennent dans les bras et se collent, avec tendresse. (J’ai même pensé au slogan de cette compagnie d’assurances, «La police qui pardonne».) Deux polices qui se font un câlin: je craque. On n’aurait pas vu ça dans Miami Vice, mettons!
L’autre force de District 31, c’est que même les personnages secondaires sont développés comme des personnages principaux. C’est vraiment une série chorale, qui braque les projecteurs sur un groupe de comédiens au lieu de juste deux ou trois. Mon coup de cœur: Pascale Montpetit en procureure de la Couronne, qui a toujours l’air du chat qui a mangé la souris.
Et puis... il y a l’écriture savoureuse de Luc Dionne (et la script-édition de Fabienne Larouche). On a eu droit à cette réplique savoureuse de Da-Xia au sujet des médias sociaux: «De la diarrhée verbale de gens complètement décentrés qui s’imaginent s’élever au-dessus des autres parce qu’ils les écrasent avec des insultes.» Hmmm, je me demande à qui Dionne pensait en écrivant cette phrase...
Et Luc Dionne a même placé dans la bouche d’une pute une figure littéraire assez rare: un zeugma, qui «consiste à faire dépendre d’un même mot deux termes disparates qui entretiennent avec lui des rapports différents». Miss BBQ déclare en effet à Laurent Cloutier: «Je suis juste une petite escorte qui fait des pipes à 100 piasses... et des métaphores à 5 cennes.» Hahaha! Je la ris encore!
LA TÉLÉ DE CHEZ NOUS
Cette année, on aura eu droit à deux séries devenues des phénomènes sociaux: Fugueuse, à TVA, et D-31, à Radio-Canada. On n’a rien à envier aux Netflix de ce monde. Pour paraphraser Elvis Gratton, «nous autres aussi, on l’a l’affaire».