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Le représentant de Patrick Isaac nie la manipulation, mais reconnaît les offrandes


L’église PQL réfute les allégations de manipulation portées par d’anciens fidèles, mais admet avoir invité des membres à cotiser pour offrir à l’apôtre Isaac et sa femme de somptueux cadeaux, dont des voitures de luxe.

C’est le gérant de Rachid Badouri, Steve Rasier, qui s’est entretenu avec Le Journal durant près de trois heures en tant que porte-parole de Patrick Isaac.

Le pasteur Rasier nous a d’abord affirmé que la manipulation et la pression financière que disent avoir vécues une dizaine d’anciens fidèles n’étaient que « pur mensonge ».

« Nous n’imposons à personne de donner quoi que ce soit. Le principe des dîmes et des offrandes est un principe biblique qui va selon les convictions des croyants. »

Concernant les cadeaux destinés à l’apôtre et son épouse pour lesquels des membres de PQL ont été invités à cotiser, Steve Rasier a fourni au Journal des explications pour le moins surprenantes.

Au sujet de voitures de marque Porsche et Mercedes financées en partie par les fidèles, le pasteur a estimé qu’il s’agissait de cadeaux « presque empoisonnés », car les fonds réunis par les membres de l’église n’ont pas suffi à payer l’intégralité des luxueux véhicules.

« Le jour que ça te coûte quelque chose, ce n’est pas vraiment un cadeau », a-t-il commenté en référence aux sommes que le couple Isaac a dû ajouter à l’argent des fidèles.

Steve Rasier a aussi reconnu avoir récemment évoqué auprès des membres de PQL l’idée d’offrir à Patrick Isaac une série de déplacements en jet privé, mais a finalement renoncé au projet.

Confronté à l’existence d’un courriel adressé aux fidèles et dans lequel Patrick Isaac évoquait la nécessité d’être « violents » pour saisir une « percée financière », le pasteur Rasier a plaidé une ingénuité.

« Ce n’est pas une violence physique, c’est une violence au sens de la hardiesse, de la persévérance », a-t-il dit.

S’il a accepté de répondre à l’ensemble de nos questions, le pasteur Rasier, qui indique être bénévole, n’était pas en mesure, lors de notre rencontre, de nous fournir le montant des salaires que se versent l’apôtre Isaac et sa femme au sein de PQL.




Une mère monoparentale entrée dans l’église PQL à 19 ans dit avoir pensé mettre fin à ses jours après avoir donné plus de 150 000 $ à l’apôtre Patrick Isaac et sa femme. Elle a même dû déclarer faillite avant de trouver la force de quitter ce qu’elle décrit comme une secte.

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Ruinés par un gourou qui promet des miracles

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Ils cherchent à recruter des visages connus

« Je ne m’en rendais pas compte, mais maintenant je comprends que c’est vraiment une secte, affirme aujourd’hui Niorline Charlot. Ces gens-là prennent le contrôle de ta vie et te coupent du monde. »

La Montréalaise de 38 ans raconte avoir dépensé sans compter pour plaire à l’apôtre Patrick Isaac et sa femme, la prophétesse Éliane Isaac.

Des gens qu’elle décrit comme contrôlants, au point où elle ne pouvait prendre aucune décision sur sa vie par elle-même.

Complètement au fond du baril, la femme s’est accrochée pendant des années aux promesses de miracles de l’apôtre et sa femme qu’elle considérait comme ses parents spirituels.

Commando

« Je faisais partie de ce qu’ils appellent le commando, un groupe d’une dizaine de fidèles qui doivent être toujours prêts à répondre aux demandes de l’apôtre Isaac et de la prophétesse, explique-t-elle. Parfois, je devais me rendre à l’église en pleine nuit pour effectuer des heures de prière. »

L’histoire de Niorline Charlot ressemble largement à celles d’une dizaine d’anciens fidèles de l’église Parole qui libère qui ont accepté de se confier au Journal sous le couvert de l’anonymat et dont les témoignages seront publiés demain.

Cinq d’entre eux affirment avoir versé à PQL entre 30 000 $ et 140 000 $ lors de leurs passages au sein de l’église qui ont duré entre 3 et 15 ans.

Rêve de star

Mme Charlot était une jeune femme en quête d’identité lorsqu’elle s’est rendue pour la première fois à l’église évangélique de Patrick Isaac sur les conseils d’une amie.

À l’époque, en 1999, Patrick Isaac présidait les offices dans le sous-sol de la maison de ses parents, à Rivière-des-Prairies, dans le nord de Montréal.

« Je n’aimais pas du tout les églises, mais j’y ai été une fois pour voir, se souvient-elle. Les gens chantaient et dansaient, il y avait beaucoup de jeunes. Cela m’a plu. »

Rapidement, elle s’est laissé séduire par les prophéties de Patrick Isaac qui lui promettait la gloire.

« Je leur avais dit que j’étudiais en cinéma et il s’est servi de cela, soutient Mme Charlot. Il me disait que j’allais être une vedette, que je serais plus connue que Steven Spielberg. Moi, je me cherchais, alors évidemment ça me plaisait d’entendre ça. »

Mais dans l’église de Patrick Isaac, le succès coûte toujours quelque chose, comme le répète l’apôtre dans plusieurs de ses discours.

« Il fallait toujours donner plus, dénonce-t-elle. Il y avait la dîme, les cadeaux au prophète et à sa femme, il fallait payer leurs voyages pour des conférences et leur donner notre premier salaire chaque année ou si on trouvait un nouvel emploi. Ils exigeaient aussi que j’achète de beaux vêtements pour être à leur hauteur quand je les assistais pendant les offices », se souvient-elle.

Faillite

Malgré ses faibles moyens, Niorline, qui enchaînait à l’époque de courts contrats comme secrétaire, dépensait sans compter.

« Je ne gagnais même pas 35 000 $ par an et je devais élever mon enfant seule, mais je creusais mon crédit. Au fil des années, l’apôtre et sa femme m’avaient programmée pour cela », dit-elle amèrement.

En 2012, Niorline Charlot a fini par crouler sous les dettes.

« J’étais tellement désespérée que j’ai donné 1500 $ à l’apôtre dans l’espoir qu’il fasse un miracle pour régler mes problèmes financiers, dit-elle. Il disait qu’il avait déjà effacé ses dettes en priant. »

Mais le miracle ne s’est jamais produit, et Niorline a été obligée de se déclarer en faillite personnelle.

« J’ai vraiment pensé au suicide. Si je ne l’ai pas fait, c’est pour ma fille », raconte-t-elle la gorge serrée.

C’est à ce moment qu’elle a commencé à remettre en question les enseignements de l’apôtre Isaac.

« Ça ne marchait plus. Ce qu’il racontait sonnait faux, affirme-t-elle. Il nous promettait la réussite, mais pendant que lui et sa femme roulaient sur l’or, nous, les fidèles, nous étions malheureux et pauvres. »

Le déclic s’est produit lorsqu’elle a constaté que Patrick Isaac n’hésitait pas à insuffler la peur chez ses fidèles pour les faire obéir, dit Mme Charlot.

« Il disait que notre vie était entre ses mains, affirme-t-elle. Qu’il était en pouvoir de nous donner la vie ou la mort. »

En 2013, Niorline Charlot a quitté PQL. Elle travaille maintenant comme secrétaire administrative à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et dit être enfin heureuse.

« J’ai l’impression de revivre, soupire-t-elle. Là-bas, je ne pouvais pas être moi. Aujourd’hui, j’ai des projets et fais mon propre chemin. »

Info-Secte a reçu 8 appels sur PQL

L’organisme Info-Secte a reçu huit appels concernant l’église PQL et un signalement sur Facebook, entre 2010 et 2016.

Un proche d’une personne tombée sous le charme de l’apôtre Patrick Isaac a raconté que le nouveau fidèle avait quitté sa conjointe en une semaine et soutenait « avoir trouvé sa voie », a indiqué Mike Kropveld, directeur général d’Info-Secte.

Interrogée à propos de l’obsession sur la prospérité de l’apôtre Isaac, l’Association des églises baptistes évangéliques du Québec est d’avis que les pasteurs mettant une emphase démesurée sur la richesse utilisent des passages de la Bible de « manière erronée ».

Administration saine

« La Bible nous encourage à donner selon nos moyens. Les pasteurs, ça ne nous regarde pas. [...] On ne veut surtout pas manipuler les gens à donner de l’argent », soutient Louis Bourque, directeur de l’association.

Il dit toujours avoir un « malaise extrême » lorsqu’il entend parler « d’agissements qui portent préjudice à la réputation de Dieu ».

Selon lui, une « administration saine » devrait être instaurée dans les églises.

« Les pasteurs ne devraient pas être au courant de ce que les gens donnent. Les gens chargés de compter l’argent et les chèques ne devraient pas être les mêmes qui font le dépôt », conseille-t-il.

« Ce n’est pas que Dieu est contre la prospérité, mais il y a une différence entre un placement à la Bourse de New York [et ce qu’on donne à Dieu] », poursuit-il. Il recommande aux églises de toujours être rattachées à une association ou un mouvement où elles sont imputables à des supérieurs.

« Lorsqu’elles sont indépendantes, il n’y a pas de limites. Ils peuvent enseigner toutes sortes de choses et dire n’importe quoi », déplore Louis Bourque.


En transe chaque dimanche sur la scène de son église montréalaise, l’apôtre Patrick Isaac promet des « mégamiracles » et la réussite financière. Depuis 20 ans, des centaines de fidèles, dont des vedettes du showbiz et du sport, fréquentent son église à laquelle ils versent de nombreuses offrandes et même leur premier salaire de l’année. Mais plusieurs ex-croyants qui ont réussi à sortir de son emprise affirment avoir perdu des dizaines de milliers de dollars aux mains de ce gourou qui est en réalité criblé de dettes.

Photo tirée de la page Facebook Parole qui libère

L’humoriste Rachid Badouri et son gérant Steve Rasier, l’acteur et chanteur Gardy Fury, l’ancien joueur du Canadien Georges Laraque, l’humoriste Eddy King et le boxeur Éric Barrak ont tous en commun d’avoir croisé le chemin de l’apôtre Isaac depuis la fin des années 1990.

Même Éliane Gamache-Latourelle, la pharmacienne qui se prétendait millionnaire à 30 ans, mais qui est aujourd’hui sans le sou, assistait à sa cérémonie de dimanche dernier.

L’apôtre Isaac et son épouse Éliane Isaac dirigent l’église Parole qui libère (PQL) depuis un bâtiment de deux millions $ construit en partie par des fidèles et nommé le Centre Action, dans Saint-Léonard.

Leur mission : infiltrer avec les principes de Dieu le gouvernement, les médias et les différents secteurs de la société pour qu’ils puissent passer à une autre dimension, selon les dires de l’apôtre Isaac dans une entrevue donnée à un journal haïtien en 2015.

Au terme d’une enquête de plus de deux mois, une dizaine d’ex-membres de PQL ont accepté de révéler au Journal ce qu’ils avaient pu observer au sein de ce groupe religieux où l’apparence et l’argent font foi de tout.

« Nous étions programmés à donner notre argent. Tout ce qui rentrait sur mon compte bancaire je leur donnais, c’était devenu un réflexe », explique Niorline Charlot qui a passé 14 ans au sein du groupe religieux de l’apôtre Isaac.

La plupart des autres ex-fidèles ont requis l’anonymat. Ils disent craindre des représailles tant l’emprise qu’exerce l’apôtre est importante.

Nous vous présentons leurs témoignages aujourd’hui et demain. Certains racontent avoir donné tout ce qu’ils possédaient, au point de faire faillite et de penser au suicide.

Faits troublants

L’apôtre Isaac inciterait les fidèles à lui verser l’intégralité de leur premier salaire de l’année, 10 % de leurs revenus ainsi que de nombreuses « offrandes sacrificielles ».

Des fidèles sont invités à cotiser pour de somptueux cadeaux d’anniversaire destinés à l’apôtre et sa femme tels que des voitures Mercedes et Porsche, des voyages dans le sud et des billets pour le Super Bowl.

L’apôtre Isaac met en avant son succès et sa réussite, mais a déclaré une faillite personnelle en 2016, visé par des réclamations du fisc totalisant 635 000 $.

Le Journal a été témoin sur place d’une des cérémonies où les louanges de centaines de spectateurs répondent aux cris du pasteur surexcité au pied d’énormes écrans.

Les images les plus spectaculaires de ces offices sont utilisées par Patrick Isaac et son équipe pour fabriquer des capsules vidéo dont la réalisation rappelle celle des bandes-annonces de superproductions hollywoodiennes. Ces clips inondent ensuite les réseaux sociaux dans l’espoir d’attirer de nouveaux fidèles.

Dans une entrevue, Steve Rasier, gérant de Rachid Badouri, pasteur au sein de PQL et représentant de Patrick Isaac, a nié les allégations de manipulation portées par les ex-fidèles contre l’apôtre et son organisation. Il indique que PQL n’oblige personne à verser de l’argent et estime que les fidèles le font par conviction personnelle.

– Avec la collaboration de Ève Lévesque, Jean-Louis Fortin, Marie-Christine Noël, Antoine Lacroix, Jean-François Cloutier et Andrea Valeria

Entendu lors des cultes

« On va affecter le monde. On va monter dans une autre dimension ».

– Patrick Isaac

« Avec la nature de Dieu, tu dois être violent. Le roi de Gloire s’apprête à rendre quelqu’un fameux ».

– Patrick Isaac

« Acclame bien, parce que lorsque tu vas sortir de cette dimension, Dieu va te propulser dans un succès indéniable. Si tu acclames, acclame bien ».

– Patrick Isaac

« Tu dois donner 10 % de ton salaire. Si tu as fait 500 $ cette semaine. 50 $ s’en va au Seigneur. [...] Pour ceux qui n’ont pas pu donner, il y a des machines Interac à l’arrière de la salle ».

– Steve Rasier

« Les gens importants, ils n’ont pas le temps de faire des posts Instagram. Ils payent quelqu’un pour le faire. Les Instagram de l’Apôtre que vous voyez, ce n’est pas moi qui les fais. Je n’ai pas le temps pour ça. Étant donné que toi tu aimes les likes, je mets quelqu’un pour envoyer les photos ».

– Patrick Isaac, qui a 17 000 abonnés Facebook

Une église bien organisée

Photo Pierre-Paul Poulin

1. Chefs spirituels

► Apôtre Patrick Isaac

À la tête de Parole qui libère

Conférencier sur la prospérité

Il affirme coacher des politiciens, vedettes et entreprises.

Il dit vouloir élever un peuple apostolique « entraîné et mandaté » à transformer la société.

A une collection de vêtements à son nom détenue par son épouse et Samara Archange.

► Prophétesse Eliane Isaac

Mariée à l’apôtre.

Chanteuse

Créatrice de la fondation InspirationElle

A sa propre ligne de vêtements pour femmes.

Prétend pouvoir guérir des gens.

2. Collège des anciens

► Prophétesse Samara Archange

Représente l’administration de PQL.

Courtière hypothécaire

► Prophète Steve Rasier

Bras droit de Patrick Isaac

Gérant de Rachid Badouri

A déjà géré la carrière de l’humoriste Eddy King.

► Prophète Patrick Isaac II

Il est la voix « jeunesse » de PQL.

Il a sa propre collection de vêtements urbains.

Chanteur hip-hop sous le nom de PI2, il a fait des premières parties de Rachid Badouri, qui le considère comme son petit frère.

► Évangéliste Francesco lammatteo

Prêche depuis plusieurs années.

Agent d’immeuble

Présenté comme un docteur.

3. Diacres

Une dizaine de serviteurs chargés de veiller au protocole et à la bonne tenue des événements.

Commando

Une dizaine de fidèles choisis par l’apôtre comme « hommes de main » pour l’épauler dans sa mission apostolique. Ils sont les premiers à être sollicités pour les dons.

4. Fidèles ou saints

Des centaines de personnes sollicitées pour les dons, l’entretien bénévole du Centre Action et les tâches quotidiennes.

Ils lui ont volé 14 ans de sa vie

L’ex-fidèle Niorline Charlot dit avoir donné plus de 150 000 $ à l’église Parole qui libère

Photo Agence QMI, Dario Ayala

Une mère monoparentale entrée dans l’église PQL à 19 ans dit avoir pensé mettre fin à ses jours après avoir donné plus de 150 000 $ à l’apôtre Patrick Isaac et sa femme. Elle a même dû déclarer faillite avant de trouver la force de quitter ce qu’elle décrit comme une secte.

« Je ne m’en rendais pas compte, mais maintenant je comprends que c’est vraiment une secte, affirme aujourd’hui Niorline Charlot. Ces gens-là prennent le contrôle de ta vie et te coupent du monde. »

La Montréalaise de 38 ans raconte avoir dépensé sans compter pour plaire à l’apôtre Patrick Isaac et sa femme, la prophétesse Éliane Isaac.

Des gens qu’elle décrit comme contrôlants, au point où elle ne pouvait prendre aucune décision sur sa vie par elle-même.

Complètement au fond du baril, la femme s’est accrochée pendant des années aux promesses de miracles de l’apôtre et sa femme qu’elle considérait comme ses parents spirituels.

Commando

« Je faisais partie de ce qu’ils appellent le commando, un groupe d’une dizaine de fidèles qui doivent être toujours prêts à répondre aux demandes de l’apôtre Isaac et de la prophétesse, explique-t-elle. Parfois, je devais me rendre à l’église en pleine nuit pour effectuer des heures de prière. »

L’histoire de Niorline Charlot ressemble largement à celles d’une dizaine d’anciens fidèles de l’église Parole qui libère qui ont accepté de se confier au Journal sous le couvert de l’anonymat et dont les témoignages seront publiés demain.

Cinq d’entre eux affirment avoir versé à PQL entre 30 000 $ et 140 000 $ lors de leurs passages au sein de l’église qui ont duré entre 3 et 15 ans.

Rêves de star

Mme Charlot était une jeune femme en quête d’identité lorsqu’elle s’est rendue pour la première fois à l’église évangélique de Patrick Isaac sur les conseils d’une amie.

À l’époque, en 1999, Patrick Isaac présidait les offices dans le sous-sol de la maison de ses parents, à Rivière-des-Prairies, dans le nord de Montréal.

« Je n’aimais pas du tout les églises, mais j’y ai été une fois pour voir, se souvient-elle. Les gens chantaient et dansaient, il y avait beaucoup de jeunes. Cela m’a plu. »

Rapidement, elle s’est laissé séduire par les prophéties de Patrick Isaac qui lui promettait la gloire.

« Je leur avais dit que j’étudiais en cinéma et il s’est servi de cela, soutient Mme Charlot. Il me disait que j’allais être une vedette, que je serais plus connue que Steven Spielberg. Moi, je me cherchais, alors évidemment ça me plaisait d’entendre ça. »

Mais dans l’église de Patrick Isaac, le succès coûte toujours quelque chose, comme le répète l’apôtre dans plusieurs de ses discours.

« Il fallait toujours donner plus, dénonce-t-elle. Il y avait la dîme, les cadeaux au prophète et à sa femme, il fallait payer leurs voyages pour des conférences et leur donner notre premier salaire chaque année ou si on trouvait un nouvel emploi. Ils exigeaient aussi que j’achète de beaux vêtements pour être à leur hauteur quand je les assistais pendant les offices », se souvient-elle.

Faillite

Malgré ses faibles moyens, Niorline, qui enchaînait à l’époque de courts contrats comme secrétaire, dépensait sans compter.

« Je ne gagnais même pas 35 000 $ par an et je devais élever mon enfant seule, mais je creusais mon crédit. Au fil des années, l’apôtre et sa femme m’avaient programmée pour cela », dit-elle amèrement.

En 2012, Niorline Charlot a fini par crouler sous les dettes.

« J’étais tellement désespérée que j’ai donné 1500 $ à l’apôtre dans l’espoir qu’il fasse un miracle pour régler mes problèmes financiers, dit-elle. Il disait qu’il avait déjà effacé ses dettes en priant. »

Sortie

Mais le miracle ne s’est jamais produit, et Niorline a été obligée de se déclarer en faillite personnelle.

« J’ai vraiment pensé au suicide. Si je ne l’ai pas fait, c’est pour ma fille », raconte-t-elle la gorge serrée.

C’est à ce moment qu’elle a commencé à remettre en question les enseignements de l’apôtre Isaac.

« Ça ne marchait plus. Ce qu’il racontait sonnait faux, affirme-t-elle. Il nous promettait la réussite, mais pendant que lui et sa femme roulaient sur l’or, nous, les fidèles, nous étions malheureux et pauvres. »

Le déclic s’est produit lorsqu’elle a constaté que Patrick Isaac n’hésitait pas à insuffler la peur chez ses fidèles pour les faire obéir, dit Mme Charlot.

« Il disait que notre vie était entre ses mains, affirme-t-elle. Qu’il était en pouvoir de nous donner la vie ou la mort. »

En 2013, Niorline Charlot a quitté PQL. Elle travaille maintenant comme secrétaire administrative à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et dit être enfin heureuse.

« J’ai l’impression de revivre, soupire-t-elle. Là-bas, je ne pouvais pas être moi. Aujourd’hui, j’ai des projets et fais mon propre chemin. »

Le représentant de Patrick Isaac nie la manipulation, mais reconnaît les offrandes

Photo Agence QMI, Dario Ayala

L’église PQL réfute les allégations de manipulation portées par d’anciens fidèles, mais admet avoir invité des membres à cotiser pour offrir à l’apôtre Isaac et sa femme de somptueux cadeaux, dont des voitures de luxe.

C’est le gérant de Rachid Badouri, Steve Rasier, qui s’est entretenu avec Le Journal durant près de trois heures en tant que porte-parole de Patrick Isaac.

Le pasteur Rasier nous a d’abord affirmé que la manipulation et la pression financière que disent avoir vécues une dizaine d’anciens fidèles n’étaient que « pur mensonge ».

« Nous n’imposons à personne de donner quoi que ce soit. Le principe des dîmes et des offrandes est un principe biblique qui va selon les convictions des croyants. »

Des bolides « presque empoisonnés »

Concernant les cadeaux destinés à l’apôtre et son épouse pour lesquels des membres de PQL ont été invités à cotiser, Steve Rasier a fourni au Journal des explications pour le moins surprenantes.

Au sujet de voitures de marque Porsche et Mercedes financées en partie par les fidèles, le pasteur a estimé qu’il s’agissait de cadeaux « presque empoisonnés », car les fonds réunis par les membres de l’église n’ont pas suffi à payer l’intégralité des luxueux véhicules.

« Le jour que ça te coûte quelque chose, ce n’est pas vraiment un cadeau », a-t-il commenté en référence aux sommes que le couple Isaac a dû ajouter à l’argent des fidèles.

Steve Rasier a aussi reconnu avoir récemment évoqué auprès des membres de PQL l’idée d’offrir à Patrick Isaac une série de déplacements en jet privé, mais a finalement renoncé au projet.

Violence

Confronté à l’existence d’un courriel adressé aux fidèles et dans lequel Patrick Isaac évoquait la nécessité d’être « violents » pour saisir une « percée financière », le pasteur Rasier a plaidé une ingénuité.

« Ce n’est pas une violence physique, c’est une violence au sens de la hardiesse, de la persévérance », a-t-il dit.

S’il a accepté de répondre à l’ensemble de nos questions, le pasteur Rasier, qui indique être bénévole, n’était pas en mesure, lors de notre rencontre, de nous fournir le montant des salaires que se versent l’apôtre Isaac et sa femme au sein de PQL.

Un apôtre en faillite et criblé de dettes

Jean-François Cloutier, Bureau d’enquête

Derrière ses apparences soigneusement entretenues d’homme à succès, le ministre du culte Patrick Isaac dissimule de graves problèmes financiers, dont une faillite personnelle en 2016 et de lourdes réclamations par le fisc.

Revenu Québec et Revenu Canada réclament 635 000 $ à l’homme d’affaires religieux, selon des documents de faillite de 2016. Les dettes totales d’Isaac s’établissaient alors à 882 000 $, dont une créance de 220 000 $ à la Banque Tangerine.

Revenu Québec a même inscrit une hypothèque légale à la fin 2017 sur le Centre Action dans l’espoir de récupérer des impôts impayés en 2016. La prophétesse Éliane Isaac figure parmi les administrateurs de la compagnie à numéro qui possède le centre.

Les documents de faillite montrent qu’Isaac ne s’est pas gêné pour mener un grand train de vie, malgré ses problèmes financiers. Au moment de déposer son bilan en 2014, il louait un Audi Q7 2012.

Il est propriétaire à 50 % d’une maison évaluée à un demi-million $ située sur la couronne nord de Montréal. Il détient aussi un intérêt dans une maison de Pointe-aux-Trembles, dans la Pointe de l’île, dont la valeur est de 234 000 $, selon l’évaluation municipale.

Il se déclare insolvable

Les premières traces des déboires financiers de l’apôtre Isaac remontent à 2011, alors que des hypothèques légales du fisc ont été inscrites sur ses propriétés pour la première fois.

En 2014, il s’est déclaré insolvable et il a déposé une première proposition à ses créanciers. La proposition a été acceptée, mais l’affaire n’a pas abouti. En 2016, il a changé de syndic et il a déclaré faillite. Il avait précédemment fait enlever son nom des documents de propriété du Centre Action où il prêche.

Par ailleurs, un examen du Registre des entreprises montre que Patrick Isaac est actuellement administrateur et actionnaire dans au moins 13 compagnies. Ces firmes sont impliquées dans l’enseignement de l’Évangile et le soin aux personnes âgées, mais aussi dans la vente de produits de beauté, les services aux entreprises, la production de CD et de DVD et la diffusion télévisuelle et média.

Au total, une véritable toile d’araignée d’au moins 35 compagnies est dans l’orbite du Centre Action. Plusieurs sont reliées à la femme de l’apôtre Isaac, ou donnent comme adresse son domicile personnel ou celui du Centre Action.

On compte un salon de coiffure, une firme d’entretien ménager ainsi que des entreprises œuvrant dans le divertissement, les cours de cuisine, la restauration, la production musicale, la gérance artistique et l’habillement, entre autres.

Ils cherchent à recruter des visages connus

Ève Lévesque, Le Journal de Montréal

Sportifs de haut niveau, vedettes de la scène et politiciens. L’apôtre Patrick Isaac a su attirer des gens connus au Centre Action dans les dernières années. Selon nos sources, Parole qui libère (PQL) adorerait compter des personnalités publiques dans ses rangs afin d’attirer de nouveaux fidèles.

Rachid Badouri

Humoriste

Photo courtoisie Just For Laughs

La carrière de Badouri est gérée par Steve Rasier, pasteur et bras droit de Patrick Isaac. Il donne aussi des conférences au Centre Action. Selon nos sources, il serait entré chez PQL au début des années 2000. Il considère aujourd’hui les Isaac comme sa famille, d’après ce qu’il écrit sur les médias sociaux.

Éliane Gamache-Latourelle

Pharmacienne qui se prétendait millionnaire

Photo Pierre-Paul Poulin

La jeune femme se rend régulièrement aux offices de PQL, où elle prie et chante avec ferveur.

Georges Laraque

Ex-joueur du Canadien de Montréal

Photo Agence QMI, Dario Ayala

Laraque s’est rendu à trois offices de PQL après qu’un ami l’a invité. « Je n’ai vraiment pas aimé l’expérience », s’est contenté de répondre l’ex-hockeyeur, en ajoutant être passé à autre chose.

Eddy King

Humoriste

Photo courtoisie

Le pasteur Steve Rasier a géré la carrière d’Eddy King jusqu’en 2014. « La façon dont il travaillait est imprégnée de leur manière de faire à l’église. Et c’est ce qui a causé notre rupture », raconte l’humoriste qui s’est rendu aux offices de PQL trois ou quatre fois seulement. « Je n’ai jamais cru en leur démarche. »

Éric Barrak

Boxeur

Photo Agence QMI, Eric Bolte

Barrak s’est rendu à l’église cinq ou six fois il y a environ trois ans et il y a trouvé une belle ambiance et un message positif. Mais il a commencé à se questionner sérieusement sur le train de vie que menaient l’apôtre et sa famille. « Vivre avec autant d’abondance quand on prêche dans une église de Saint-Léonard, c’est étrange. J’ai toujours trouvé bizarre que l’épouse d’Isaac conduise une grosse Porsche. Qu’ils soient tous habillés comme des vedettes. L’argent qu’ils amassent, ils font quoi avec ? Je n’en ai aucune idée. » Éric Barrak dit avoir confiance en Steve Rasier, mais n’être jamais retourné chez PQL.

Jean Pascal

Boxeur

Photo Ben Pelosse

Le boxeur Jean Pascal, qui a été représenté par Steve Rasier jusqu’en 2009, a été invité à deux reprises à se rendre à l’église PQL. Il dit avoir toujours refusé et n’y avoir jamais mis les pieds.

Gardy Fury

Comédien

Photo Agence QMI, Frédéric Auclair

Gardy Fury a commencé à aller aux offices de PQL il y a 3 ans, après des discussions avec Rachid Badouri et le pasteur Steve Rasier. Il assure que Patrick Isaac a eu une influence positive dans sa vie et qu’il ne s’est jamais senti forcé. « C’est mon coach de vie », dit-il.

Daphney Colin

Ex-candidate pour Projet Montréal dans Pointe-aux-Prairies et avocate

Photo Charlotte R. Castilloux

Mme Colin est très impliquée dans PQL et auprès de la fondation InspirationElle, dirigée par Éliane Isaac. Selon Projet Montréal, « ces deux ex-candidats (Daphney Colin et Jean Eddie Désiré, un autre fidèle) sont membres de l’église depuis plusieurs années. Ils font tous deux du bénévolat au sein de l’église et ne sont pas au courant d’allégations contre les dirigeants. »

David Bernard

Conférencier

Photo Pierre-Paul Poulin

David Bernard, qui s’intéresse à plusieurs religions, est allé à quatre offices de PQL et a vite déchanté. « Ça n’a absolument aucun sens de prêcher un message relié à l’amour, l’entraide et la compassion et de rouler ça comme une business. Ils élèvent l’argent. Du point de vue d’un chercheur, il vendait un accès spirituel à Dieu par leur entremise. C’est ça qui ne m’allait pas», dit-il, réitérant toutefois sa confiance envers Steve Rasier, qui l’a aidé à évoluer spirituellement.

– Avec la collaboration de Camille Garnier et d’Antoine Lacroix

Info-Secte a reçu 8 appels sur PQL

Antoine Lacroix, Le Journal de Montréal

L’organisme Info-Secte a reçu huit appels concernant l’église PQL et un signalement sur Facebook, entre 2010 et 2016.

Un proche d’une personne tombée sous le charme de l’apôtre Patrick Isaac a raconté que le nouveau fidèle avait quitté sa conjointe en une semaine et soutenait « avoir trouvé sa voie », a indiqué Mike Kropveld, directeur général d’Info-Secte.

Interrogée à propos de l’obsession sur la prospérité de l’apôtre Isaac, l’Association des églises baptistes évangéliques du Québec est d’avis que les pasteurs mettant une emphase démesurée sur la richesse utilisent des passages de la Bible de « manière erronée ».

Administration saine

« La Bible nous encourage à donner selon nos moyens. Les pasteurs, ça ne nous regarde pas. [...] On ne veut surtout pas manipuler les gens à donner de l’argent », soutient Louis Bourque, directeur de l’association.

Il dit toujours avoir un « malaise extrême » lorsqu’il entend parler « d’agissements qui portent préjudice à la réputation de Dieu ».

Selon lui, une « administration saine » devrait être instaurée dans les églises.

« Les pasteurs ne devraient pas être au courant de ce que les gens donnent. Les gens chargés de compter l’argent et les chèques ne devraient pas être les mêmes qui font le dépôt », conseille-t-il.

« Ce n’est pas que Dieu est contre la prospérité, mais il y a une différence entre un placement à la Bourse de New York [et ce qu’on donne à Dieu] », poursuit-il. Il recommande aux églises de toujours être rattachées à une association ou un mouvement où elles sont imputables à des supérieurs.

« Lorsqu’elles sont indépendantes, il n’y a pas de limites. Ils peuvent enseigner toutes sortes de choses et dire n’importe quoi », déplore Louis Bourque.

– Avec Camille Garnier


Patrick Isaac, l’apôtre de l’église Parole qui libère

Me Daphney Colin, qui exerce en tant que contractuelle au cabinet Clyde & Co

L’humoriste Rachid Badouri

Parmi les personnes liées à, l’apôtre de l’église Parole qui libère, une avocate : Me, qui exerçait jusqu'à tout récemment en tant que contractuelle au cabinet Clyde & Co Droit-inc avait parlé à l’avocate de 43 ans alors qu’elle se présentait dans l'arrondissement Rivières-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, dans le district Pointe-aux-Prairies, lors des dernières élections à Montréal. Elle avait rejointde Projet Montréal.« J'ai été criminaliste à l'aide juridique et une partie de notre travail d'avocat, c'est l'écoute. C'est très important lorsqu'on brigue un mandat d'élu politique. Le droit m'a également donné la capacité d'aller chercher l'information pertinente », disait-elle alors.Aujourd’hui, le Journal de Montréal parle d’elle dans un tout autre contexte.Elle serait très impliquée dans PQL et auprès de la fondation InspirationElle, dirigée par, la femme de l’apôtre Isaac, rapporte Le Journal de Montréal « InspirationELLE a pour mission de créer différents événements et d’offrir des services spécialement conçus pour favoriser le plein épanouissement des femmes de la grande région métropolitaine », peut-on lire sur leur site internet.Selon Projet Montréal, « ces deux ex-candidats (Daphney Colin etDésiré, un autre fidèle) sont membres de l’église depuis plusieurs années. Ils font tous deux du bénévolat au sein de l’église et ne sont pas au courant d’allégations contre les dirigeants. »Dans son église montréalaise de Saint-Léonard, Patrick Isaac promet des « méga miracles » et la réussite financière. C’est ainsi que depuis 20 ans, plusieurs fidèles, dont parfois des vedettes, fréquentent son église et versent de nombreuses offrandes.Plusieurs ex-croyants affirment aujourd’hui avoir perdu des dizaines de milliers de dollars.L’humoristeet son gérant, l’acteur et chanteur, l’ancien joueur du Canadien, l’humoristeet le boxeuront tous côtoyé l’apôtre Isaac.« Nous étions programmés à donner notre argent. Tout ce qui rentrait sur mon compte bancaire je leur donnais, c’était devenu un réflexe », expliquequi a passé 14 ans au sein du groupe religieux de l’apôtre Isaac et dont les propos sont rapportés par Le Journal.Le gourou qui dirige l’église avec sa femme Éliane demanderait aux fidèles de lui verser l’intégralité de leur premier salaire de l’année, à cotiser pour de somptueux cadeaux d’anniversaire pour sa femme tels que des Mercedes ou des Porsche.Il a déclaré une faillite personnelle en 2016 de 635 000 dollars qu’il doit à Revenu Québec ainsi que 220 000 dollars à la Banque Tangerine.Dans une entrevue, Steve Rasier, pasteur au sein de PQL et représentant de Patrick Isaac, a nié les allégations de manipulation.

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